Récemment, alors que je participais à une conférence sur la gestion des maladies chroniques en soins primaires, j’ai entendu le témoignage d’un patient qui m’a donné une pause. J’ai été frappé par son cheminement vers une plus grande autonomie dans la gestion de ses problèmes de santé. Bien qu’il se soit dit très bien appuyé par son médecin de famille, son médecin traitant et son » entraîneur”, il a parlé de son besoin de voir des spécialistes pour obtenir les dernières informations sur les progrès de l’état des connaissances et pour » se décider” sur ce qu’il pourrait faire pour améliorer sa santé. De plus, il l’a fait contre l’avis de son médecin de famille, qui a refusé de le référer à d’autres spécialistes. Quelques années auparavant, j’avais entendu la même histoire lors d’une conférence sur le même sujet — un total de 2 conférences sur la gestion des maladies chroniques en soins primaires où les patients parlaient d’abord de leur désir de voir des équipes spécialisées. Une chose est devenue claire pour moi: les soins primaires et les soins secondaires sont des concepts abstraits qui n’ont pas de sens pour nos patients. Pour eux, il n’y a qu’un seul système de soins de santé. Malheureusement, les arguments en faveur des soins primaires excluent souvent une coordination nécessaire avec des milieux spécialisés.
S’il est vrai que la prise en charge réussie des maladies chroniques commence par un système de soins primaires solide, le flux de communication entre les soins primaires et secondaires est tout aussi essentiel à ce succès. Toutes les maladies chroniques sont caractérisées par des périodes stables ponctuées d’exacerbations. Les écarts dans les transitions entre les soins primaires et secondaires sont une des principales causes d’incidents et d’erreurs.1
La fluidité des relations entre les médecins de famille et les médecins d’autres spécialités s’est détériorée au cours de la dernière décennie. Selon l’Enquête nationale sur les médecins de 20102, un peu plus de 25 % des médecins de famille interrogés estimaient que l’accès à d’autres spécialistes était médiocre ou acceptable — une proportion comparable à celle rapportée par d’autres spécialistes concernant leur accès à un médecin de famille. La proportion de spécialistes qui ont pu voir un patient dans les 24 heures est passée de 37 % en 20073 à 29 % en 2010.2 Un sondage récent4 a révélé que seulement 25 % des médecins de famille canadiens recevaient toujours de l’information opportune sur leurs patients de la part de spécialistes et d’hôpitaux. Cette proportion est de 50% en France et de 40% en Angleterre.
La diminution des interactions directes entre les médecins de famille et les spécialistes est une cause importante de cette détérioration, attribuée en partie au départ des médecins de famille des centres hospitaliers universitaires et au transfert de la formation en résidence en médecine familiale des centres hospitaliers universitaires aux hôpitaux communautaires. J’ai eu l’occasion d’étudier la question il y a quelques années et j’ai vu qu’il y avait » 2 solitudes”5 : des spécialistes qui n’arrivaient pas à trouver un médecin de famille pour leurs patients et vice versa. J’ai aussi vu que les préjugés existaient des deux côtés.
En 2006, le Collège des médecins de famille du Canada et le Collège royal des médecins et chirurgiens du Canada se sont réunis pour explorer la question et proposer des solutions. 6 Cela a mené à la création du Comité d’action concertée sur le professionnalisme intra, auquel s’est jointe l’Association médicale canadienne. Depuis lors, beaucoup a été fait: les compétences intraprofessionnelles de base ont été définies pour l’ensemble du continuum d’apprentissage, et ces compétences ont été intégrées aux normes d’accréditation. De plus, un guide visant à améliorer le processus de référence et de consultation a été mis en ligne à l’intention des médecins en exercice et des milieux d’enseignement.7 Mais beaucoup reste à faire. Surtout, il faut créer de nouveaux lieux de rencontre et d’échange d’idées et inventer de nouvelles méthodes de collaboration « .” Le modèle de soins partagés est un exemple en nature. En septembre dernier, des représentants des 3 organisations se sont réunis pour explorer d’autres modèles de collaboration, notamment dans le cadre de la Maison médicale du Patient. C’est un travail en cours. Nos patients ont assez de mal à gérer les hauts et les bas de leurs problèmes de santé sans se heurter à des barrières qui n’existent qu’à nos yeux.