Discussion
Aux États-Unis, l’infection par le ver du cœur chez les chiens et les humains est endémique dans les régions de l’est et du sud-est. On pense que l’organisme est inoculé à l’homme via une piqûre de moustique. De là, les microfilaires migrent dans les tissus sous-cutanés, où ils mûrissent pendant 80 à 120 jours. Ils migrent ensuite dans le cœur via le système capillaire afin de mûrir pendant encore 6 mois. Le corps humain est un environnement inadapté au ver du cœur et lorsque le nématode meurt, il embolie les vaisseaux pulmonaires, provoquant un infarctus et la formation éventuelle de nodules qui peuvent se présenter sous la forme de nodules pulmonaires solitaires ou multiples. Le premier cas de dirofilariose humaine a été documenté chez un garçon brésilien en 1887 par De Magelhaes lorsqu’il a découvert un ver filarieux dans le ventricule gauche du patient.
La majorité des patients infectés par D. immitis sont asymptomatiques et présentent le plus souvent un nodule pulmonaire solitaire découvert incidemment à la radiographie thoracique. Parfois, il peut y avoir plusieurs nodules pulmonaires imitant une maladie métastatique ou une infection fongique ou mycobactérienne. Quel que soit le nombre de nodules, ces nodules asymptomatiques doivent être évalués pour une éventuelle malignité sous-jacente. Chez notre patient, compte tenu de ses antécédents de tabagisme importants, des tests invasifs étaient nécessaires afin de prouver que ses lésions n’étaient pas néoplasiques.
Le diagnostic de la dirofilariose peut être posé par un anticorps spécifique à la dirofilaire, par dosage immuno-enzymatique (ELISA). Cependant, le test n’est pas couramment disponible. De plus, les tests ELISA ne sont pas connus pour être particulièrement précis avec des problèmes de réactivité croisée entre D. immitis et d’autres filariases. La majorité des cas sont diagnostiqués par microscopie qui montre un noyau central de nécrose entouré d’une zone granulomateuse des tissus.
Une caractéristique que nous nous attendons généralement à voir chez les patients atteints de parasites invasifs est l’éosinophilie périphérique. Cependant, comme dans notre cas, de nombreux autres cas n’ont montré aucune éosinophilie. On pense que l’incidence de l’éosinophilie chez les patients infectés est comprise entre 6,5% et 15%. Peu de rapports de cas documentent également les éosinophiles en microscopie dans le cadre du processus inflammatoire. On ne sait pas s’il y a une tendance du taux d’éosinophiles tout au long du processus infectieux ou si elle tend d’une manière ou d’une autre.
On pense que la propriété du chien en soi n’est pas un facteur de risque. D’après les séries de cas précédentes, d’autres facteurs de risque comprennent la taille de la population canine dans la région, la prévalence de l’infection à D. immitis chez ces chiens, la densité de la population de moustiques et le degré d’exposition humaine aux piqûres par lesdits moustiques. Il est cependant possible que le chien du patient ait été malade à cause d’une infection à D. immitis sans traitement. Nous émettons donc l’hypothèse que le patient a été exposé à un moustique qui a également mordu ce chien.
L’une des limites de notre étude était l’absence de tests d’anticorps ELISA pour aider à établir un diagnostic. De plus, l’aspiration à l’aiguille fine (ANF) qui a été réalisée n’a montré que du granulome nécrosant compatible avec une infection parasitaire mais n’a pas montré le parasite réel. Cependant, nous sommes confiants dans notre diagnostic en ce sens que nous avons exclu d’autres infections et affections granulomateuses.
En conclusion, la dirofilariose pulmonaire humaine doit être considérée comme un diagnostic différentiel chez les patients présentant des nodules pulmonaires solitaires ou multiples asymptomatiques dans le cadre épidémiologique et clinique approprié. Nous déterminons le bon cadre clinique pour être celui qui a un taux élevé de chiens infectés par D. immitis (à la fois errants et domestiqués) en plus d’avoir une population de moustiques élevée afin de pouvoir transférer le parasite des canines aux humains.