Origine de la Magna Carta
Avec sa conquête de l’Angleterre en 1066, Guillaume Ier s’est assuré pour lui-même et ses successeurs immédiats une position de puissance sans précédent. Il était capable de dominer non seulement le pays, mais aussi les barons qui l’avaient aidé à le gagner et les ecclésiastiques qui servaient l’église anglaise. Il obligea le pape Alexandre II à se contenter d’un contrôle indirect sur l’Église dans un pays que la papauté avait jusque-là considéré comme lié par les liens les plus étroits avec Rome. Le fils de Guillaume, Henri Ier — dont l’accession (1100) a été contestée par son frère aîné, Robert, duc de Normandie – a été contraint de faire des concessions aux nobles et au clergé dans la Charte des libertés, un édit royal émis lors de son couronnement. Son successeur, Étienne (1135), dont l’emprise sur le trône était menacée par Mathilde, la fille d’Henri Ier, publia à nouveau une charte solennelle (1136) avec des promesses encore plus généreuses de bon gouvernement dans l’Église et l’État. Le fils de Mathilde, Henri II, a également commencé son règne (1154) en émettant une charte solennelle promettant de restaurer et de confirmer les libertés et les coutumes libres que le roi Henri, son grand-père, avait accordées « à Dieu et à la sainte église et à tous ses comtes, barons et tous ses hommes. »Il s’est développé, en fait, au cours du 12ème siècle, une tradition continue selon laquelle le serment de couronnement du roi devrait être renforcé par des promesses écrites estampillées du sceau du roi.
Bien que le volume de la common law ait augmenté pendant cette période, en particulier sous le règne d’Henri II (qui s’est terminé en 1189), aucune définition inverse n’avait été assurée en ce qui concerne les dettes financières du baronnage envers la couronne. Les baronnages n’avaient pas non plus de définition des droits de justice qu’ils détenaient sur leurs propres sujets. À mesure que l’administration angevine s’établissait de plus en plus solidement avec des juges savants, des financiers compétents et des greffiers formés à son service, le baronnage dans son ensemble devenait de plus en plus conscient de la faiblesse de sa position face aux agents de la couronne. Les augmentations d’impôts pendant le règne de Richard Ier (1189-1199), résultant de sa Croisade, de sa rançon et de sa guerre avec la France, ont aggravé le mécontentement de la noblesse. Jean a été confronté à ces innombrables défis lors de son accession au trône en 1199. Sa position, déjà précaire, s’affaiblit encore à cause de la revendication rivale de son neveu Arthur de Bretagne et de la détermination de Philippe II de France à mettre fin à l’emprise anglaise sur la Normandie.
Contrairement à ses prédécesseurs, Jean n’a pas délivré de charte générale à ses barons au début de son règne. À Northampton, cependant, l’archevêque de Cantorbéry Hubert Walter, le conseiller royal William Marshal et le justiciar Geoffrey Fitzpeter convoquèrent la noblesse et promirent, au nom du roi (qui était encore en France), qu’il rendrait à chacun ses droits s’ils gardaient la foi et la paix avec lui. Dès 1201, cependant, les comtes refusaient de traverser la Manche au service du roi à moins qu’il ne leur promette d’abord » leurs droits. »En 1205, face à une menace d’invasion de la France, le roi fut contraint de jurer qu’il préserverait les droits du royaume sains et saufs. Après la perte de la Normandie en 1204, Jean fut obligé de compter uniquement sur les ressources anglaises et la couronne commença à ressentir une nouvelle urgence en matière de perception des revenus. Les demandes royales de sabordage (argent versé en lieu et place du service militaire) sont devenues plus fréquentes. La querelle avec le pape Innocent III au sujet de l’élection d’Étienne Langton au siège de Cantorbéry aboutit à une interdiction papale (1208-13) et laisse l’église anglaise sans défense face aux exigences financières de Jean. L’excommunication du roi en 1209 le priva de certains de ses administrateurs les plus compétents. Il n’est donc pas surprenant que lorsque la paix avec l’Église fut conclue et que Langton devint archevêque de Cantorbéry, il apparut comme une figure centrale des troubles baronniaux. En effet, c’est Langton qui a conseillé que la demande d’une concession solennelle de libertés de la part du roi soit fondée sur la charte du couronnement d’Henri I.